Aujourd’hui, je me souviens d’Elise. De son indifférence que j’acceptais en souffrant.
Elle était la jeune mère d’un garçon de cinq ans. Elle était séparée de son mari. Moi je me dirigeais vers la cinquantaine.
Elise parlait peu. Elle était une présence discrète que seule une femme peut emprunter aux anges. Comme un ado romantique, j’ai rêvé d’une tendre histoire qui n’a pas été vécue.
Aujourd’hui, je me souviens d’Elise. J’ai rassemblé quelques éléments de décor. Un fauteuil Voltaire dans lequel elle aurait pu s’asseoir. Une fenêtre donnant sur une rue étroite qu’elle aurait pu ouvrir. Des rideaux aux couleurs vives et un tapis qu’elle aurait choisis. Des aquarelles au mur ; scènes de vacances familiales.
J’ai fixé un jour : un Dimanche durant lequel elle se retrouverait sans enfant et sans amour. Une étrange attente dont elle ne saurait briser la solitude. Elle ne serait ni gaie, ni triste. Elle serait en suspens tout simplement.
Aujourd’hui, je me souviens d’Elise. Alors je prends ma caméra. Je filme cet intérieur silencieux. J’imagine Elise qui s’assoit dans le fauteuil et regarde la fenêtre. Elle ne sait pas que je la filme. Seul son chat lové sur le tapis m’aperçoit. Le ronronnement de ma caméra l’intrigue.
Manuel CARE
Elise ou la vraie vie de Michel Drach (1970) avec Marie-José Nat